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Appel à contributions (clos)

Les danses sociales, pratiques d’amateur·ices, et les créations scéniques, pratiques de professionnel·le·s, coexistent depuis longtemps, se contaminant au grès des porosités historiques de leurs frontières. Depuis plusieurs décennies, on note cependant une labilité croissante de cette distinction, non seulement entre pratiques sportive, folklorique, « underground », rituélique d’une part, et créations artistiques, objets de consommation, de distinction d’autre part, mais également au sein même de ces catégories. Déhiérarchisation des genres, déplacement des codes, nouvelles circulations des phénomènes dansés, modes de diffusion buissonniers, modalités de consommation interdépendantes des pratiques personnelles ou de groupes, ne relèvent plus d’occurrences anecdotiques liées à certains courants, mais sont constitutives d’un nouveau mouvement plus global.

Cette recomposition du paysage chorégraphique est concomitante à un engouement croissant[1] pour la danse, un « dance craze »[2], notamment permis par la démocratisation (dans de nombreuses régions du monde) de l’accès à Internet (disponibilité du réseau et possession d’outils de connexion) : des milliers de danses sortent de leur confidentialité grâce à des influenceurs comme Ed People (« Can you teach me your favorite dance move »[3]), ou des artistes comme Anouk Kruithof (« Universal Tongue »[4]) ; l’apparition de nouveaux réseaux sociaux[5] et leurs spécificités techniques (« user friendly ») permettent de participer à des challenges viraux ; des flashmobs font le buzz ; des tutoriels cumulent des millions de vue ; des chorégraphes invitent à « imiter » leurs créations (« Nelken line »[6]/ Pina Bausch, « Re : Rosas ! » [7]/ Anne Teresa de Keermaeker) et à les uploader sur leur site ; des danseur·euses filment et publient leurs performances dans des espaces publics (« Une minute de danse par jour »[8]/ Nadia Vadori gauthier), etc.
Ce contexte, le seul connu pour les digital natives, est également un élément qui influence le style même de ces « danses post-internet » [(LA) Horde[9]] : remplacement du quatrième mur par l’écran en mode « selfie », création pour la captation, cadrage fixe vertical/ carré, imitation des mouvements d’avatars numériques, etc.

Si ce contexte technologique explique en grande partie l’ampleur et la nature de certaines nouvelles épidémies dansantes (celle de 1518 à Strasbourg a contaminé quelques centaines de personnes, non-volontaires, et c’est en millions que l’on dénombre les adeptes internationaux du « Gangnam style » 400 ans plus tard en 2012[10]) et de nouvelles perméabilités autrefois inimaginables, quelles sont les raisons des succès indépendants d’Internet (recrudescence des « thés dansants » et autres danses sociales[11]) ; des échecs de propositions qui se voulaient pourtant virales (comme la danse inclusive de JO de Paris 2024 créé par Mourad Merzouki[12]) ; des succès non prémédités (cf. « Wednesday dance »[13]); de la contagion des formes pré-internet ? Des questions qui en soulèvent autant d’autres, comme celle du rôle de la musique et de la pop culture, de l’influence de ces nouvelles pratiques sur la réception et la création et, par conséquent, sur l’équilibre perturbé du collectif énonciatif (modification des horizons d’attentes, instabilité du « spectateur modèle », nouvelles instances énonciatrices…), etc.

Le colloque abordera ces différents en aspects en proposant un programme qui veillera, autant que faire se peut, à respecter la diversité des thématiques d’intervention, des intervenant·e·s et l’équilibre des formats proposés.

 

[1] Roux U. « Quand la danse se propage », in : Nouvelles de danse N°87, https://contredanse.org/dance_news/nouvelles-de-danse-n87/

[2] Marshall, W. “Social Dance in the Age of (Anti-)Social Media. Fortnite, Online Video, and the Jook at a Virtual Crossroads”. In: Journal of Popular Music Studies, 31(4), 3–15. doi.org/10.1525/jpms.2019.31.4.3

[3] https://www.youtube.com/@EdPeople

[4] https://www.universaltongue.com/

[5]Boffone, T. Renegades: Digital Dance Cultures from Dubsmash to TikTok. New York, NY: Oxford University Press, 2021.

[6] https://vimeo.com/pinabauschfoundation

[7] https://www.rosasdanstrosas.be/accueil/

[8] http://www.uneminutededanseparjour.com/

[9] https://www.collectiflahorde.com/

[10] Jost, F., Est-ce que tu mèmes ? De la parodie à la pandémie numérique, CNRS Éditions, Paris, 2022.

[11] Dossier « La danse et une fête », Nouvelles de danse N°89, https://contredanse.org/dance_news/nouvelles-de-danse-n89-2/

[12] https://presse.paris2024.org/actualites/paris-2024-lance-la-danse-des-jeux-dans-le-cadre-de-lolympiade-culturelle-pour-celebrer-les-jeux-en-dansant-8d2d-e0190.html

[13] Dossier « danse et réseaux sociaux : c’est viral », Nouvelles de danse N°87, https://contredanse.org/dance_news/nouvelles-de-danse-n87/